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[Cinéma] Normandie. « Un Français » ou la plongée dans l’univers des skinheads

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Un Français : le mouvement skinhead en France, dans les yeux de Marco. ©D.R.
Un Français : le mouvement skinhead en France, dans les yeux de Marco. ©D.R.

Un Français, le film de Diastème, dans les salles depuis le 10 juin 2015, raconte le parcours de Marco, un jeune skinhead, dont le quotidien est fait de violences et d’agressions, verbales et physiques. Ses cibles favorites ? Les étrangers. Pour échapper à une condition sociale difficile et fuir les quatre murs de sa cité, Marco se nourrit de haine et de provocations. Avec Grand-Guy, Marvin, il déambule dans les rues et cogne : des punks, des Arabes. Comment parvenir à rompre avec ses copains skins et à sortir de cette spirale ?
Le film devait être distribué dans 120 salles : seules 60 salles en France le présentent. Les exploitants auraient eu peur de projeter Un Français. En Normandie, le film est diffusé à l’Omnia à Rouen (Seine-Maritime) et au Lux, à Caen (Calvados), mais aussi au Sirius, au Havre (Seine-Maritime), où le film a une résonance particulière : dans les années 90, la ville était l’un des fiefs des skinheads.

Chroniques d’une violence quotidienne

Le parcours de Marco permet de retracer trois décennies de la politique française : des années Mitterrand aux manifestations anti-mariage pour tous, en 2014. Le héros, ou plutôt antihéros, de Diastème cogne, se cogne à la réalité, aux désillusions. Son salut, il le trouve dans le groupe, aux côtés de ses potes skinheads qui, de ratonnades en bastons anti-punks, sèment la terreur.

La bande-annonce d’Un Français :

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Un Français n’est interdit qu’aux moins de 12 ans et pourtant, le film est d’une violence quasi insoutenable : de l’empoisonnement aux produits caustiques d’un homme noir aux agressions à l’arme blanche, sans oublier la mort de Brahid Bouarram (en marge du défilé parisien du Front national, le 1er mai 1995, il y a 20 ans), rien n’est épargné aux spectateurs. Une descente aux enfers dans les entrailles de la violence. Le cinéma britannique (Made in Britain d’Alan Clarke et This is England de Shane Meadows) et le cinéma américain (American History X) avaient déjà filmé les parcours de skinheads. Un Français livre, à  son tour, un regard sur le mouvement en France et la montée de l’extrême-droite.

La bande-annonce de This is England :

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La bande-annonce d’American History X :

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Certains épisodes ne sont pas sans évoquer des événements tragiques qui se sont produits au Havre : le 3 juillet 1990, l’empoisonnement du Mauricien, James Dindoyal, mais aussi la mort d’Imad Bouhoud, assassiné le 7 mai 1995.

La scène skinhead au Havre dans les années 90

Dans les années 90, peu de temps après la mort d’Imad Bouhoud, la scène skinhead au Havre faisait l’objet d’un reportage du magazine de France 2, Envoyé spécial. Un groupe avait accepté de témoigner sur le mouvement et son idéologie. De blockhaus en lieux abandonnés, les Havrais se retrouvaient sur les hauteurs de la ville, écoutant de la musique Oi et multipliant les saluts nazis. Revendiquant une France blanche, réservée aux Français, ils étaient tous liés par de mêmes idées, fervents admirateurs d’Adolf Hitler :

Un extrait du reportage d’Envoyé spécial, 1995 :

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Le reportage faisait suite à deux affaires qui avaient ébranlé la ville. Au cours de l’été 1990, six skins de la bande Blood and Honour du Havre avaient fait absorber de la bière empoisonnée à un Mauricien, James Dindoyal.

Le légiste explique pourtant qu’un mélange de bière et de peroxydase, nettoyant pour pièces de moteur, a agi comme un poison mortel. L’avocat général a stigmatisé « ces sacs à bière néonazis coupables d’une surenchère délirante ». Giraud et Kerhuel ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle pour l’empoisonnement du pauvre « boucaque » échoué sur la plage « du bout du monde » qui a dû avaler leur breuvage mortel, rapportait Libération en 2009.

Le 7 mai 1995, Imad Bouhoud croise le chemin de deux skins : David Beaune, dont le nom de guerre est Étoile de David, et Michaël Gonçalves, Mickey, appelé aussi Baby Boot. Une dispute éclate, au sujet d’un pistolet à grenailles. Le corps d’Imad sera retrouvé dans le bassin Vauban. L’autopsie révèlera qu’il est mort par noyade, et non par des coups. Alcoolisé, il aurait été poussé par Beaune et Gonçalves. Benoît Marin-Curtoud signera Planète skin, une analyse précise des faits qui se sont déroulés au Havre.

Un Français : récit d’une rédemption

Si Un Français a pour toile de fond l’histoire politique de la France et raconte l’évolution d’un parti, le Front national, à travers l’ascension de Braguette, ancien skin devenu cadre du parti (joué par Samuel Jouy, originaire de Bernay, dans l’Eure), le film de Diastème raconte avant tout la vie de Marco Lopez (Alban Lenoir). Paumé et sans repère, le jeune prolo a choisi la violence et la provocation. La cogne comme seul langage, la terreur comme seul moteur. Le cinéaste suit un jeune homme à la dérive, en recherche d’une famille, d’un cadre que la société peine à lui offrir… Si Marco ne renie pas les siens, peu à peu, il s’en éloigne, cherchant le salut dans l’indépendance et les choix personnels. Des années 80 à nos jours, Un Français filme aussi l’évolution de notre société, des mouvements d’extrême droite :

Au moment de la Manif pour tous, j’ai été frappé par la haine qui resurgissait en France, dans mon pays. Une haine qui prenait partout, dans ma famille, chez des amis, les parents des amis. Il y avait un lâchage sans précédent avec des cris de babouins dans la rue, des insultes homophobes. En 2015, dans un pays civilisé, où il n’y a pas de guerre, où sévit certes une crise économique mais comme partout ailleurs, il m’a semblé ahurissant de percevoir des signes de rejet aussi violents, confie Diastème à Télérama.

Un Français raconte l’histoire de cette violence, de cette colère qui gronde dans les urnes et dans la rue. Un récit de vie exemplaire qui suit la mue d’un homme, tentant de sortir de l’ombre pour renouer avec la lumière, avec autrui :

Des tas de gamins qui ont participé aux ratonnades de l’époque et qui ont aujourd’hui 50 ans, s’en sont sortis. Certains sont moines bouddhistes, d’autres éducateurs. Montrer la possibilité d’un tel parcours, c’est faire un acte citoyen, souligne le réalisateur.


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